Vigil
Par Gilian
Avant-propos
Cette nouvelle fait partie de la série Angels of Death, qui ne regroupe que des histoires d’environ 1000 mots (soit 4 pages maximum). Je suis toujours un peu sceptique avec ce genre d’exercice, mais il y a souvent des surprises. James Swallow a choisi d’y consacrer un récit aux Doom Eagles.
L’histoire du livre
Sur une colline, un Space Marine convaincu d’être déjà mort attend l’ennemi depuis trente-trois jours.
L’histoire avec un grand H
Sur une colline d’un monde ravagé, le Frère-Sergent Suhr Tarikus, Astartes du Chapitre des Doom Eagles, monte la garde. En armure de céramite gris-argent, bolter en main, réacteur dorsal dans le dos, il répète sa certitude : « Je suis mort. » Pour lui, la mort n’est pas une fin mais une vérité fondatrice qui libère de la peur. Il se sait « mort » depuis qu’il a posé le pied sur cette planète maudite, comme tous ses frères de l’escouade, et pourtant, par la grâce de l’Empereur, il n’a pas encore été tué.
Tarikus se remémore les campagnes qui ont forgé cette conviction : le sauvetage de l’Ordre de Notre-Dame Martyr dans l’orbite de Zhodon, la bataille de Soule, l’abordage qui leur permit de capturer le croiseur Burned Figure aux Thousand Sons, puis les combats sur Merron, Aerius et Serek, sans oublier sa capture temporaire sur la quatrième planète du système Dynikas. Autant d’occasions d’être « mort » sans tomber.
Depuis trente-trois jours, il tient sa vigie. Ici, le temps s’écoule différemment ; il alterne demi-sommeil et vigilance, reposant un hémisphère de son cerveau pendant que l’autre veille. Il restera autant qu’il le faudra : l’ennemi rôde dans les plaines noyées de brume et parmi les arbres de pierre. Quand il se montrera, Tarikus sera là.
Il médite sur la voie des Doom Eagles : pèlerinages vers les mondes-tombeaux et lieux de trahisons, collecte de reliques issues des désastres passés. Beaucoup jugent ces rituels morbides, même parmi leurs cousins issus de la Légion-mère Ultramarines. Mais les Doom Eagles y voient la seule sagesse : apprendre comment les guerres se perdent et comment la perfidie s’élève, pour mieux les vaincre lorsqu’elles reviennent, inévitables comme l’aube et la nuit. Le véritable don de son Chapitre est la lucidité : toute vie naît déjà en train de mourir. Ce n’est ni fatalisme ni lassitude, mais une certitude. Se savoir déjà mort rend libre : un mort n’a rien à perdre, il entre en guerre pour reconquérir la vie qu’on lui a ôtée — une quête que Tarikus n’a pas encore accomplie, et peut-être ne l’accomplira-t-il jamais. Si cette trente-troisième aube devait être la dernière, il laissera pour reliques l’airain brillant des douilles éjectées ou les éclats de sa lame fichés dans le cœur de l’ennemi. Et Gathis, son monde natal, se souviendra de son nom, même à cent années-lumière de ses rivages de sable noir.
Soudain, il aperçoit un mouvement : l’ennemi débouche en rangs serrés dans la plaine. Ils sont nombreux et avides de sang, mais ignorent qu’un piège les attend. Les collines qu’ils croyaient nues regorgent de Doom Eagles tapis dans l’ombre. Tarikus réactive ses muscles, rejette sa cape caméléon, épaules le bolter. Il rompt enfin son silence pour prononcer deux mots — le cri de guerre de son Chapitre : « Malheur à toi ! » À son écho, des centaines de frères jaillissent de leurs cachettes, prêts à frapper.
Son réacteur rugit ; Tarikus s’élance dans le ciel embrumé, déversant salve sur salve qui fauchent l’ennemi. Au sommet de son bond, la gravité le reprend et il retombe vers la bataille. Ses adversaires sont morts, lui aussi — mais il les forcera à embrasser cette mort mille fois avant qu’elle ne l’emporte, lui.
Conclusion
J’ai toujours eu du mal avec James Swallow, mais je dois avouer que cette nouvelle m’a agréablement surpris. L’introspection d’un Doom Eagle et une histoire où il ne se passe presque rien… Et pourtant, j’ai été accroché jusqu’à la fin, attendant un twist qui ne viendra jamais.
Malgré tout, j’ai beaucoup apprécié ce récit. Un Space Marine qui fait de la philosophie, c’est assez rare.