Le vol des kharadrons

De Les Archives Infinies
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Par Schattra

Avant-Propos

Et voila la Schattra touche , merci a lui.
Vous pouvez le retrouver ici : https://nebelheim.wordpress.com/

Ou ici : https://www.warhammer-forum.com/index.php?/profile/27242-schattra/

Intro

Salut la compagnie ! Après m'être fait les dents (de lait) sur 'Secrets of the T'au', le troisième tome de la série Warped Galaxies de Warhammer Adventures, je savais bien qu'il me faudrait, un jour ou l'autre, boucler la boucle en allant jeter un œil sur le pendant fantasy de la série de Cavan Scott. De l'ordre, de la discipline, de l'équanimité. C'est tout moi ça.

La sortie du quatrième volume de Realm Quest, 'Flight of the Kharadron' constituait à ce titre une occasion trop alléchante pour la laisser passer. Car, comme cela avait été le cas pour la virée de Zelia Lor et compagnie dans un avant-poste impérial sur le point de devenir trop suprématiste pour son propre bien, j'avais envie de tester le concept du J'Aime Lire à la sauce GW à travers une histoire non manichéenne, pour voir ce que Tom Huddleston (l'auteur) avait dans le ventre, ou plutôt la plume. Il est en effet plus facile d'écrire un livre pour jeune public lorsque les gentils (une bande de gamins) sont confrontés à des méchants très méchants, que de les faire interagir avec des factions et des cultures plus nuancées, comme Age of Sigmar en contient quelques unes1. Cela éliminait donc d'emblée les tomes 1 (Cultistes du Chaos) et 2 (Skavens) de la série. Le #3 (Sylvaneth) aurait pu faire l'affaire, si la Black Library n'avait pas annoncé au même moment que le quatrième livre de Realm Quest mettrait sur le devant de l'Ironclad le grand capital et la révolution industrielle faite naine: les Kharadron Overlords. Voilà des petits gars intéressants d'un point de vue moral et éthique (plus qu'un parterre de yuccas doués de raison, si vous voulez mon avis). J'ai donc décidé d'attendre quelques semaines, qui se sont changées en mois à cause des ravages de Coco, et la sortie de 'Flight of the Kharadron' pour me replonger dans le monde indubitablement coloré, raisonnablement optimiste et majoritairement non létal de Warhammer Adventures. Ce qui ne devait pas empêcher, dans le meilleur des mondes royaumes, en tout cas je l'espérais, que ce bouquin reste fidèle à l'esprit du background de sa franchise, pour lequel il était sensé servir d'objet promotionnel. Le contrat a-t-il été rempli? Un audit scrupuleux de la marchandise s'imposait.


1: Mon rêve aurait été de voir les Club des 5 de Lifestone partir à la piscine et se faire capturer par des Idoneth Deepkin. De quoi provoquer quelques poussées d'aquaphobie chez les neo-wargamers, je gage.

Personnages

Comme nous prenons l'histoire en cours, une rapide présentation des personnages principaux de 'Flight of the Karadron' ne fera sans doute pas de mal, d'autant plus que Tom Huddleston n'est pas avare dans ce rayon. À noter que le point commun entre tous nos héros est de porter chacun une tache de naissance en forme de symbole de Royaume. On peut donc parier sur le fait qu'ils seront 8 au final, et qu'ils adopteront peut-être un hamster tout aussi spécial qu'eux pour compléter la collection.

Alish (1) : Héroïne principale du roman1 , comme le prouve sa position centrale sur la couverture de ce dernier. Il s'agit de la mécano géniale de la bande, capable de fabriquer n'importe quoi avec deux trombones, un moule à gaufre et une chambre à air. Elle a fait vœu de non violence (ce qui ne l'empêche pas de se balader avec un gros marteau duardin, très certainement en cas de rencontre avec des clous antipathiques) et porte la marque de Hysh.

Elio (2) : Moins mis en évidence que sa comparse, mais tout de même présent sur la couverture, c'est le guérisseur du groupe. Moins exubérant que ses camarades, il essaie de leur donner de sages conseils et de conserver sa dignité en évitant de se faire pousser dans les escaliers, crevasses et autres précipices à tous bouts de champ.

Kaspar (3) : Le rôdeur/cambrioleur de l'équipe. Son passé n'est pas vraiment abordé dans cet épisode.

Thanis (4) : La guerrière du gang, décrite comme étant forte comme un Rhinox, ce qui est impressionnant pour une gamine de 11 ans, je vous l'accorde.

Kiri : Celle qui semblait être la chef de meute au début de Realm Quest est tombée en disgrâce dans ce quatrième tome, car elle est la seule héroïne à n'apparaître nulle part dans les illustrations du bouquin. Sa caractéristique principale sera de jouer du lance-pierre de temps en temps. Toutes les bonnes guildes ont des tireurs, c'est vrai.

Scratch (5) : Enfant esclave des Skavens, et qui s'en sort plutôt bien en étant (pour le moment) seulement incapable de parler, Scratch est plus jeune que le reste du groupe, et se rallie à eux pendant l'aventure, même si sa loyauté reste sujette à caution.

1  : Statut qui semble évoluer, comme pour les groupes d'idoles japonaises, selon les publications.

Torvald Skysplitter (6) : Explorateur et cartographe Kharadron, dont les cartes ont été volées par Blackhammer alors que ce dernier travaillait pour lui. Réduit à la petite bourgeoisie (plutôt qu'à l'indigence, car il lui reste une flotte tout de même), il a bon fond mais une morale assez flexible et l'intelligence d'un pois chiche.

Blackhammer (7) : Seigneur du crime Kharadron, ayant fait fortune en volant les cartes de Skysplitter (ce qui n'est pas un délit chez les Duardin apparemment) et les revendant au plus offrant.

Vertigan : Le mentor des enfants, qu'il a rassemblés pour accomplir une quelconque prophétie. Enlevé par la sorcière vampire Ashnakh, c'est sa disparition qui a mené la bande à partir à l'aventure dans les Royaumes Mortels pour le retrouver.

Ashnakh : Sorcière vampire ayant enlevé Vertigan et poursuivant les héros pour accomplir sa propre quelconque prophétie grâce à eux.

Kreech (8) : Chef de meute Skaven et propriétaire de Scratch, au service d'Ashnakh. Sans doute croisé pour la première fois dans 'Lair of the Skaven'.

Intrigue

Notre histoire commence par un petit prologue de bon aloi, nous permettant de faire plus ample connaissance avec Alish. Orpheline de parents, qui ont brutalement disparu un jour sur le chemin de la boulangerie, elle a été "recueillie" par le gang de l'Ombre Écarlate, qui a bénéficié de son talent inné pour la mécanique et l'ingénierie pour obtenir des armes et des gadgets top tendance. Portant la marque de Hysh, qui, pour autant que nous le sachions ici, ne sert pas à grand-chose, elle a été abordé un jour dans la rue par un vieil homme du nom de Vertigan, qui l'a brutalement mise face à ses responsabilités: en fabriquant des arbalètes pour ces mauvais sujets d'ombres écarlates, elle était complice du mââââl. Comme ces salauds d'enfants congolais qui travaillent dans les mines de cobalt artisanales au péril de leur vie, et qui sont responsables de la dépendance aux écrans des petits Européens et Américains. Les monstres. Toujours est-il que l'argumentation culpabilisante de Vertigan a suffisamment travaillé Alish pour qu'elle décide de fausser compagnie à ses geôliers, après avoir constaté de ses yeux qu'ils étaient des méchants vraiment très méchants1. Sa crise de pré-adolescence aurait pu très mal et très vite se finir, son chaperon à verrue, un presque honnête homme du nom de Crusher l'ayant rattrapée sur le chemin de la liberté, sans l'intervention opportune de Verigan, qui jedi mindtrick-a le sbire avant qu'il ait eu le temps de coller une trempe à Alish. La suite étant sans doute connue des lecteurs ayant eu le bon sens de lire les bouquins dans l'ordre, nous passons sans plus tarder au "présent" de notre histoire...

...Qui se trouve avalé, en même temps que le vaisseau sur lequel la petite bande (Alish, Kiri, Elio, Thanis et Kaspar) se trouve, par une gigantesque créature volante, assez semblable dans l'esprit au Falkor de l'Histoire sans Fin. Voilà qui n'est pas de chance. Fort heureusement, les naufragés ne sont pas immédiatement dissous et broyés dans la panse du monstre, mais flottent gentiment dans son estomac pendant quelques temps (assez longtemps pour commencer à avoir, très littéralement, des idées de m*rde pour se sortir de ce mauvais pas). Le salut vient toutefois de l'extérieur, la bestiole étant prise d'une violente nausée permettant au frêle esquif et à ses passagers de rejoindre le ciel de Chamon. C'est là l'oeuvre d'une flotte Kharadron, qui a capturé le léviathan et lui a collé un mât au fond de la gorge pour le faire vomir un peu, afin de récupérer sa précieuse bile, très prisée par les alchimistes de tous crins. L'adresse balistique des Duardins n'ayant d'égale que leur opportunisme capitalistique, nos héros finissent donc leur course dans la bassine géante montée sur Ironclad que les Nains-génieurs ont placé stratégiquement sous le gosier du monstre2. Ce n'est toutefois pas la fin des ennuis pour la petite bande, car elle apprend de la bouche de son sauveur, le capitaine Torvald Skysplitter, que ce dernier a l'intention de les vendre comme esclaves dans la cité de Barak-Mhornar, qui n'a pas tout à fait aboli la pratique (comme ça l'est, dîtes donc).

Si Skysplitter est prêt à ce genre de bassesse, c'est qu'il a besoin de se renflouer. Héritier d'une lignée de célèbres cartographes, ce qui lui avait permis de vivre confortablement jusqu'à peu, sa chance a tourné lorsque ses cartes lui ont été dérobées par un de ses hommes, Blackhammer, reconverti en prospère baron du crime depuis. Skysplitter a lui été relégué à des activités moins nobles et rémunératrices, comme la collecte de sucs gastriques de bêtes zodiacales, ce qui serait triste si ce n'était pas stupide. Car le cartographe déchu ne semble pas avoir réalisé jusqu'à sa rencontre avec Alish et ses amis qu'il pouvait tout à fait continuer à faire des cartes et à les commercialiser. Toujours est-il que les enfants, qui ne souhaitent pas finir leur vie à brosser des cuirasses et graisser des courroies, proposent un marché à leur gardien: récupérer pour lui les cartes gardées par Blackhammer dans son Ironclad personnel, le Hammerhead, contre leur liberté. Cela ne convainc cependant pas Skysplitter, qui reste campé sur son idée de trafic d'êtres humains, moins risquée en termes de bénéfices et d'honneur.

L'esclavagiste en puissance n'a toutefois pas le temps de mettre son plan à exécution, car une foule de Duardins excités se présente devant son vaisseau à l'accostage, chacun réclamant que lui soient remis les jeunes humains, pour lesquels une bonne récompense a été promise dans la cité. Des tracts mystérieux ont en effet été distribués sur place avant même l'arrivée de Skysplitter, ce qui est louche pour dire le moins. Parmi les acheteurs potentiels de la cargaison pas si secrète du Duardin qui murmurait à la glotte des dragons se trouve Blackhammer, jamais le dernier à flairer une bonne affaire. Son antagonisme avec Skysplitter permet toutefois à une partie de la bande de s'échapper dans la cité, entraînant avec elle Scratch (voir Personnages), qui avait trouvé le moyen de coller les affiches et distribuer les flyers incriminants la veille au soir. Si Alish, Elio, Kaspar et leur nouveau copain parviennent à semer leurs poursuivants en se jetant dans une bouche d'égout menant à la décharge de Barak-Mhornar, Thalis et Kiri sont elles re-capturées aussi sec par Blackhammer et ses hommes.

Dans le dépotoir duardin, le répit est de courte durée pour le quatuor d'éboueurs juvéniles, car le site ne sert pas simplement à la collecte des déchets ménagers et industriels banaux de la cité, mais également à leur valorisation énergétique. Il faut donc aux gamins trouver rapidement une issue avant d'être réduits en chaud urbain. Fort heureusement, ils peuvent compter sur le coup de main de Skysplitter, qui leur envoie, non pas une échelle ou une corde, ce serait trop simple, mais l'épave de leur navire, l'Arbour Seed, ainsi qu'un fond d'aether-or pour faire voler le tout... s'ils trouvent un ballon d'endrinrigger dans les ordures, parviennent à le monter sur leur navire, et à comprendre comment fonctionne cette technologie totalement étrangère aux humains, dans les trois minutes les séparant d'une mort atroce par incinération, bien sûr. Ceci fait (évidemment qu'ils y arrivent, hein), l'Arbour Seed s'envole vers d'autres cieux, et surtout vers le Hammerhead, où les cartes volées de Skysplitter patientent sagement.

Une infitration savamment menée grâce aux talents criminels de Kaspar plus tard, le petit groupe se retrouve devant la porte de la cellule où Kiri et Thanis sont retenues prisonnières. Encore un heureux coup de chance. La serrure dûment crochetée par l'indispensable voleur de l'équipe, cette dernière tente sa chance dans le système d'aération de l'Ironclad, parvenant à échapper à Blackhammer mais pas à éviter d'être repéré par ce dernier au passage, malgré une nouvelle tentative de "coup de main" de Skysplitter, venu rendre à son rival une visite de courtoisie pour essayer de le convaincre de lui rendre ses esclaves, ou a défaut, de compenser leur perte. Enfin rendus dans la salle du trésor du baron du crime, qui contient quelques objets surprenants, les enfants mettent la main sur le coffre contenant les précieuses cartes, et parviennent à l'aide d'une ellipse salvatrice, à regagner leur vaisseau, stationné au-dessus du Hammerhead, en évitant de se faire gauler par Blackhammer et son équipage armé jusqu'aux dents, et dont une bonne partie dispose de combinaisons d'endrinriggers, depuis le fond de la cale jusqu'en haut du mât, tout en trimbalant un objet lourd et encombrant. Le pouvoir du scenarium, sans doute.

Après une course poursuite presque remportée par l'Arbour Seed, qui aurait pu semer ses poursuivants si Alish n'avait pas fait demi-tour pour récupérer Scratch, passé par-dessus bord après un looping très serré et pendu à une corde au-dessus du vide infini, à la Luke Skywalker dans L'Empire Contre-Attaque, il semble que la messe est cuite et les carottes sont dites pour nos héros, encerclés par Blackhammer et son armada. C'est toutefois le moment que choisit Skysplitter pour arriver en bateau, et, miracle, prendre enfin une bonne décision: tirer dans le coffre contenant les cartes pour disperser ces dernières aux quatre vents, laissant ainsi la possibilité aux jeunots de quitter la cité pendant que Blackhammer tente de rattraper la précieuse paperasse. Car le cartographe a enfin réalisé qu'il était... cartographe, et que rien ne l'empêchait de recommencer ses activités (mettre son ennemi dans la mouise étant un bonus appréciable mais pas essentiel). Nos héros sont donc libres de laisser Barak-Mhornar derrière eux et de reprendre la route vers...vers...vers où en fait?

Et c’est là que la situation se complique. N’ayant pas prévu de se retrouver en Chamon, sans carte ni boussole ni réserve conséquente d’aether-or pour se maintenir en l’air, les minots sont bien embêtés. Fort heureusement, on peut toujours compter sur les Skavens pour relancer une intrigue coincée grâce à une intervention surprise et/ou une technologie improbable (c’est un bonus racial). Ici, c’est à une magnifique combinaison gagnante que nous assistons, le navire métallique de Kreech apparaissant sans crier gare sur l’océan de mercure survolé par l’Arbour Seed, et harponnant sans mal ce dernier. Si le Maître de Meute et propriétaire de Scratch, qu’il a envoyé faire du tracting sauvage dans la cité des Kharadron à sa place pour éviter de se prendre un coup de chevrotine dans l’arrière-train, était derrière la mise à prix de nos héros, il n’est pas le seul à travailler pour le compte de la sorcière Ashnakh, qui a capturé Vertigan et poursuit ses protégés à travers les Royaumes pour des raisons obscures et probablement néfastes.

Car si l’homme-rat révèle pouvoir communiquer avec sa maîtresse par l’intermédiaire d’une petite pyramide de pierre noire, Kaspar porte la copie exacte du colifichet skaven en pendentif. Et en effet, le voleur avoue qu’il a agi comme agent double pour le compte de la vampire depuis au moins le début du livre (et sans doute auparavant), convaincu de la toute puissance d’Ashnakh et la futilité de tenter de lui échapper. Sur cette trahison incroyable, Ashnakh en personne arrive, et pas les mains vides en termes d'annonces, puisqu’elle révèle que Scratch, jusqu’ici relégué au rang de caniche bipède, fait partie du cercle des élus, ayant également une marque de Royaume quelque part sur son anatomie (plus que deux à trouver, donc). C’est l’occasion pour elle de châtier un peu Kreech, qui savait pour Scratch mais n’avait rien dit à sa boss, et comptait d’ailleurs négocier la remise des autres marqués au meilleur prix avec son employeuse.

La fin de l’épisode approchant à grands pas, Huddleston dégaine un petit cliffhanger de son chapeau stylo, en faisant apparemment passer un Scratch apeuré par l’arrivée des gardes du corps spectraux de la sorcière par-dessus bord (décidément, il n’a pas le pied marin), après que Kaspar ait tenté sans succès de le rattraper, et lui ait surtout glissé quelques mots à l’oreille avant que « l’irréparable » ne se produise. QUEL DOMMAGE, IL ÉTAIT SI JEUNE. Pour omnipotente qu’elle soit, Ashnakh a l’air de gober l’embrouille sans sourciller, mais reste malgré tout maîtresse de la situation, puisqu’elle a tout loisir d’emmener ses jeunes prisonniers dans son Château des Miroirs, en Shyish où est également enfermé le pauvre Vertigan…

1: Et que les enfants duardin portent la barbe dès leur plus jeune âge, mais c'est une autre histoire.

2: Qui sera relâché au lieu d'être abattu, car on est dans un livre pour enfants ici.

Avis

Vient le moment délicat de donner mon avis sur un livre pour jeune public tiré d'une série dont je n'ai pas lu les tomes précédents. Armé de cette inattaquable légitimité, je reconnais donc que j'ai plutôt apprécié 'Flight of the Kharadron', et même davantage que 'Secrets of the T'au', mon seul point de comparaison possible pour la gamme Warhammer Adventures.

Commençons par mettre en avant les qualités d'auteur de Tom Huddleston, qui livre ici un travail sérieux, tant du point de vue de l'histoire qu'il raconte que de la saga qu'il déroule. 'Flight of the Kharadron' est ainsi bien rythmé, clairement construit et riche en coups de théâtre et rebondissements pour un bouquin pour pré-adolescents de 80 pages, et je crois que le jeune Schattra aurait été assez intéressé par sa lecture quelques années (que dis-je, décennies) plus tôt. Contrairement à 'Secrets of the T'au', qui comprend quelques longueurs - ou plutôt, pas mal d'aller et retour - et des arcs narratifs cloisonnés (l'Inquisiteur qui inquisitionne dans son coin sans que cela impacte l'histoire principale), 'Flight of the Karadron' fait corps et sens, et entraîne donc plus facilement le lecteur dans ses aventures que son homologue grimdark.

J’avais également des attentes en matière d’introduction du fluff d’Age of Sigmar aux jeunes lecteurs, comme ceux qui se souviennent encore de l’introduction de ce post l’ont peut-être noté. À ce titre, je reconnais encore une fois à Huddleston un travail propre et correct, les aspects positifs et négatifs des Kharadron étant représentés par les deux personnages de Skysplitter et Blackhammer, qui illustrent assez bien la flexibilité morale et « inhumaine », mais « ordonnée » (ça fait beaucoup de guillemets, je l’avoue) de leur race. Le coup classique du bon et du mauvais flic fonctionne parfaitement, et je regrette que Cavan Scott n’ait pas fait de même pour ‘Secrets of the T’au’, afin de dresser un portrait plus nuancé des adeptes du Bien Suprême. Au final, on ressort de ‘Flight of the Kharadron’ avec une vision sommaire mais pertinente de la culture et de la mentalité des Duardin célestes, pour autant que je puisse en juger. Pour être tout à fait honnête, je pense que le boulot de Scott en matière de pédagogie fluffique est bien plus complexe à mener que celui de Huddleston, car le background de 40K est beaucoup plus fouillé et riche que celui d’Age of Sigmar, particulièrement en ce qui concerne les factions nouvellement créées comme les Kharadron, dont l’historique publié se compte encore seulement en quelques pages, contre des dizaines, voire des centaines pour les races du 41ème millénaire. Dommage pour Scott et tant mieux pour Huddleston, j’imagine.

Ceci dit, tout n’est pas irréprochable dans cette histoire, à commencer par les interactions entre les héros de cette dernière. Avec autant de personnages à faire évoluer en même temps en un nombre de pages limité, il était peut-être couru d’avance que l’auteur ait du mal à donner à chacun un rôle intéressant dans ‘Flight of the Kharadron’, et cela se perçoit clairement à la lecture. Ainsi, si Alish est clairement mise au cœur des débats, grâce à ses capacités mécaniques, qui jouent un grand rôle dans le déroulé de l’intrigue, ses petits camarades de jeu sont un peu plus à la peine, tout particulièrement Kiri, qui ne sert pas à grand-chose pour être honnête. Il va falloir que Huddleston trouve un moyen de traiter ce problème car sa marmaille va sans doute aller croissant au fil des épisodes, ce qui rendra encore plus compliqué de donner à chaque marquis et marquise sa personnalité et son utilité propre (et c’est sans compter les personnages secondaires récurrents, comme Verigan, Ashnakh et Kreech). Autre mini reproche à formuler : la mauvaise utilisation des codes du langage skaven par l’auteur, qui s’est ici contenté de faire bégayer Kreech, au lieu de le faire « synonymiser » à outrance, comme c’est pourtant la règle. Ce n’est pas grave en soi, mais c’est une caractéristique forte de l’univers d’Age of Sigmar, et de Warhammer Fantasy Battle avant lui, et j’aurais aimé que la nouvelle garde des hobbyistes se familiarise dès que possible avec le Queekish. C’est l’âge des premiers cours de langue vivante, après tout.

Enfin, en prenant un peu de recul sur l'histoire en tant que telle, j'ai trouvé le compendium de 'Flight of the Kharadron' moins instructif que celui de 'Secrets of the T'au', car consacré en grande partie aux personnages du livre et pas vraiment à la définition d'éléments de background importants. De même, la qualité des illustrations internes m'a semblé également moins bonne que celle du bouquin de Cavan Scott (c'est dommage car Dan Boultwood est capable de bien mieux). Petits détails qui ont toutefois leur importance

1: Idée déjà exploitée avec succès dans ‘The Ends Time’ et ses avatars des vents de magie.

Voilà qui termine cette critique, que j’espère utile et impartiale, ou à défaut distrayante, de ‘Flight of the Kharadron’ et, très probablement, de Realm Quest, Warped Galaxies et Warhammer Adventures dans son ensemble. Pas que je trouve ces séries mauvaises, mais j’ai déjà tellement de choses « sérieuses » à lire que je ne pense pas avoir le temps de me replonger dans la bibliothèque rose/verte de la BL dans un futur proche. Si je devais résumer mon avis sur cette gamme en quelques mots, je dirais que Scott et Huddleston ont fait un boulot sérieux avec leurs séries respectives (même si je place Realm Quest devant Warped Galaxies d’un point de vue qualitatif), et que ces dernières constituent des introductions pratiques et adaptées aux univers de Games Workshop pour les enfants et pré-adolescents. Cela dit, l’expérience reste franchement aseptisée et PEGI-sée, ce qui est logique mais parfois un peu décevant : il doit y avoir moyen de complexifier un peu plus le rendu des Royaumes Mortels et du 41ème millénaire, même dans ces publications volontairement édulcorées.

Pour l’heure, il reviendra encore au mentor de hobby d’aider ses padawans à appréhender toute la grandiose et sanguinaire noirceur de nos terrains de jeu une fois ces bouquins achevés, car le décalage entre Warhammer Adventures et la « réalité » reste encore significatif. Mais après tout, le hobby est une activité sociale, et cette transmission s’est faite sans trop de problème au cours des quarante dernières années : je reste donc optimiste sur leurs chances de succès !