Forged in battle

De Les Archives Infinies
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Avant-Propos

Et voila la Schattra touche , merci a lui.
Vous pouvez le retrouver ici : https://nebelheim.wordpress.com/

Ou ici : https://www.warhammer-forum.com/index.php?/profile/27242-schattra/

Intro

Salut à tous! Quand j’ai fini la lecture de Curse of the Necrarch, je pensais très naïvement avoir atteint le bas du fond de la lie de ce que pouvait offrir la BL aux moins méfiants de ces lecteurs. Je pensais sincèrement qu’aucune maison d’édition digne de ce nom, soucieuse de son image et proche de ses sous ne pouvait accepter de publier un roman plus foutraque et bâclé que la dernière « œuvre » de Steven Savile. J’étais intimement convaincu que la BL, comme n’importe quelle autre entreprise de publication, avait recours aux services d’éditeurs pour relire les manuscrits soumis par les auteurs, afin d’améliorer ces derniers avant la mise sous presse. Il me paraissait également inconcevable que ce genre de boîte puisse se passer de correcteurs. Et puis…Et puis, j’ai décidé de relire un court bouquin que j’avais survolé il y a trois ans, sans trop me prendre la tête sur sa qualité intrinsèque (histoire de meubler les pauses déjeuners). Toutefois, j’en avais gardé un souvenir marqué, la faute à un retournement final qui m’avais, sur le coup, semblé aussi contre-intuitif que ridicule. Résolu cette fois-ci à tirer une critique substantielle de ma lecture, je me suis donc armé d’un surligneur et d’un stylo noir, j’ai dégagé le dit ouvrage du rayonnage de la bibliothèque, me suis assis sur mon lit, et me suis (re)plongé dans Forged in Battle.

30 minutes plus tard, j’ai compris qu’il y avait bien pire qu’un auteur professionnel sous-motivé peu ou pas supervisé par sa maison d’édition: un auteur amateur sur-motivé peu ou pas supervisé par sa maison d’édition1.

1: Et puis, surtout, la BL a décidé de ressortir cet incunable en version E-book, et s’est même permis de faire de la pub pour cet inqualifiable ouvrage sur son site (pas longtemps, mais tout de même). Mon commentaire de lecteur désabusé ayant été encore une fois censuré par les webmasters (à ce jour, je n’ai pas réussi à poster un seul avis sur leur site – et pourtant certains étaient positifs -), j’ai décidé de riposter à mon petit niveau en terminant la critique longtemps reportée de Forged in Battle. Tremblez, pauvres fous.

Le Contexte

Malgré le temps et les efforts consentis par votre humble serviteur pour tenter d’en apprendre plus sur la genèse de ce livre et le background de son auteur, mes informations sur ces deux questions restent très fragmentaires. Tout le monde ayant droit de refaire sa vie sans traîner derrière lui ses vieilles casseroles, j’ai rapidement abandonné mon investigation au sujet de Justin Hunter, dont Forged in Battle constitue le premier et unique roman pour le compte de la BL (bien que je le soupçonne très fortement d’avoir écrit au moins une nouvelle pour un recueil avant cela, voir plus loin). Ce qu’on sait de lui tient en quelques lignes: Né aux Bahamas en 1971, Hunter passe son enfance dans le North Yorkshire. Après des études de langue anglaise et de littérature médiévale (durant lesquelles il n’a pas du se donner à fond, compte tenu du niveau de sa prose), il parcourt le monde et travaille un temps dans l’humanitaire, expérience dont il tirera plusieurs livres (introuvables sur le net). Il vivrait actuellement en Irlande (ou en Angleterre, ou a New-York, les versions diffèrent). Ok, bon, bah voilà quoi1.

Si la vie du sieur Hunter n’a rien de particulièrement fascinante pour le lecteur de la BL, les conditions dans lesquelles Forged in Battle a été écrit sont en revanche beaucoup plus intéressantes.

Octobre 2003, devant le succès rencontré par les romans de Dan Abnett, la maison anglaise décide de regrouper les premiers romans de la série des Gaunt’s Ghosts dans un omnibus, qui s’écoule à son tour en un temps record. Le concept de la bande de héros malgré eux faisant apparemment florès, les gars de la BL, pas plus stupides que la moyenne des éditeurs, ont alors la lumineuse idée d’essayer de transplanter le concept de 40K à Warhammer, juste histoire de voir si la bouture prend. Abnett ne voulant ou ne pouvant pas se consacrer à cette nouvelle série, la tâche est confiée à non pas un, mais deux nouvelles recrues de la BL, Nathan Long et, bien sûr, Justin Hunter. Décembre 2004 voit donc la sortie simultanée du Forged in Battle du second et du Valnir’s Bane du premier, les deux bouquins devant être, si tout se passe bien, les premiers d’une série de romans mettant en scène la « Ragged Company » (Compagnie en Guenilles) de Hunter et les « Blackhearts » (Cœurs Noirs) de Long. On trouve notamment une référence de cette ligne d’édition dans la description du livre faite sur Amazon.uk:

Malheureusement pour Justin Hunter, son premier volet ayant beaucoup moins bien marché que prévu (ce qui n’est guère étonnant), c’est donc Long qui est autorisé à poursuivre sa saga (de très bonne qualité je dois dire), point de départ d’une fructueuse collaboration avec la BL (pour rappel, Nathan Long a repris la série des Gotrek et Félix, écrit le roman « officiel » de la dernière boîte d’initiation de Warhammer, et lancé une nouvelle série basé sur le personnage d’Ulrika – entreprise pour laquelle je lui souhaite beaucoup de courage -). De son côté, Hunter n’est pas recontacté par la filiale de GW, et sa « Ragged Company » tombe dans l’oubli. Forged in Battle est donc plus qu’un mauvais bouquin parmi d’autres: il constitue le début et la fin de la carrière d’un « poulain » prometteur de la BL, que cette dernière destinait à rien de moins que de devenir le Abnett de Battle. Un peu de respect, donc, devant ce monument littéraire décrépit, seule preuve du passage météorique de Hunter dans les rangs de la Black Library, qui d’ailleurs ne semble pas regretter son départ.

C’est bon, vous vous êtes assez recueillis (parce qu’il ne faut pas se voiler la face, Forged in Battle est surtout une abominable bouse)? On enchaîne.

1: Autre hypothèse intéressante, Justin Hunter serait en fait un nom de plume derrière lequel se cacherait un collectif d’auteurs. Encore une fois, il n’y a pas grand chose pour étayer cette théorie, mais elle pourrait expliquer le caractère décousu de Forged in Battle, ainsi que les très nombreux « faux raccords » narratifs qui parsèment le récit.

Intrigue

L’intrigue donc. Well, well, well, je dois dire que le petit Justin ne commet pas de grosses conneries sur ce point, jusqu’à la page 230 tout du moins (le livre en comptant 248, ça nous fait un contenu plus ou moins cohérent à 92,7%, ce qui n’est pas trop mal). Le mieux est encore de vous laisser lire le résumé que l’on peut trouver sur divers sites de vente de bouquins d’occasion:

Résumé Amazon:

   Les Hommes Libres de Jarlsburg (nom à confirmer) sont une unité fraîchement constituée de l’armée impériale. Leur principale mission est de patrouiller dans l’arrière-pays à la recherche d’Orques et de Gobelins, mais leur patrouilles les emmènent en plein cœur d’une invasion chaotique alors qu’ils se battent pour sauver leur ville, et eux avec.

Résumé Ebay:

   Alors que les forces du Chaos menacent d’envahir l’Empire, la Compagnie en Guenilles, un groupe bigarré de miliciens, est rassemblée pour défendre la ville aux côtés des chevaliers et de l’infanterie d’élite de l’Empereur contre les hordes démoniaques menaçant de submerger le monde dans une guerre totale.Original.

Oui, original, c’est le mot. Je précise que j’ai essayé de respecter au mieux le style dans lequel sont écrit les deux résumés (que je soupçonne d’avoir été rédigés par Hunter en personne). Je ne pousserai pas le vice jusqu’à vous demander si quelque chose vous choque dans ces derniers. Bien sûr qu’il y a quelque chose (et plutôt des choses) qui vous choque, ou bien vous avez directement hérité des gènes de votre ancêtre poisson rouge. On a donc le droit dans la première version aux hommes libres de Jarlsburg débouchant par hasard en plein milieu d’une invasion chaotique (il est bien connu que les Hordes du Chaos se déplacent de manière furtive) alors qu’ils cherchaient plutôt des peaux-vertes, mais qui décident tout de même de traiter le problème à eux seuls (je dis bravo).

La deuxième version met aux prises la Ragged Company contre des démons, mais cette fois dans le cadre d’un siège, et en compagnie d’autres troupes impériales… Au moins, ils se battent toujours contre la même « famille » d’adversaires. D’ailleurs, en parlant de ça, devinez quels sont les ennemis « définitifs » des héros du bouquins? Dans la famille Dukao, j’ai déjà les Enfants (Guerriers du Chaos), les Parents (Démons du Chaos), je demande donc… l’animal de compagnie! Et oui, les farouches soldats de la RC se farciront donc au final de l’homme-bête.

Pas besoin de préciser que les deux résumés trouvables sur le net sont absolument et totalement faux: aucun peau-verte, guerrier du chaos ou démon ne fera son apparition dans le roman, les Hommes Libres n’existent pas, tout comme la cité dont ils sont sensés provenir, la Ragged Company (qui n’est pas une unité récemment formée) ne croisera pas Archaon et ses groopies au détour d’un sentier, et elle se battra sans l’appui d’autres régiments réguliers pour défendre sa ville contre une invasion ne mettant en rien le Vieux Monde en péril. Bon, maintenant que l’on sait ce que l’intrigue n’est pas, on peut passer au vrai pitch de cette sombre histoire.

Forged in Battle propose donc au lecteur de suivre les aventures de Sigmund Jorg, Marshal de la ville de Helmstrumburg et capitaine de la fameuse Ragged Company, ainsi surnommée parce que ses soldats n’ont pas assez d’uniformes à se partager. On pourrait penser que cette caractéristique est due à un basique manque d’argent, mais en fait non, Helmstrumburg est une ville prospère qui a connu un développement économique très important sous l’action de son Bourgmestre. Sans d’autres explications (qui auraient été plus que nécessaires, étant donné que la milice de la ville est elle dotée d’uniformes tout à fait réglementaire), on ne saura jamais vraiment pourquoi la Ragged Company est la Ragged Company (peut-être est-ce histoire de suivre la mode d’Altdorf?).

Sigmund et sa ribambelle de potes patrouillent donc les alentours de la ville à la recherche d’ennemis, mais surtout parce que le truc de Sigmund, c’est la randonnée. C’est simple, il adore partir en excursion dans la nature avec ses potes, et quand d’autres auteurs font passer les sentiments de leurs personnages par de bêtes dialogues ou de classiques introspections, Hunter fait marcher Sigmund. Quand il veut signifier son mécontentement, Sigmund fait marcher ses hommes au pas de gymnastique, histoire de bien crever les deux marchands qu’il doit escorter en ville et qui l’ont pris de haut. Quand une nouvelle unité arrive en ville pile au moment où il en a besoin, il doit se retenir pour ne pas les emmener en excursion dans les collines. Et quand il va rendre visite à ses parents qui vivent dans un moulin en dehors de la ville, il fait naturellement l’aller-retour en courant. Heureusement pour l’intérêt de l’histoire, la préparation de Sigmund pour les JO est brutalement interrompue par la brusque poussée d’optimisme des hommes-bêtes de la région, bien décidés à raser Helmstrumburg, à massacrer ses habitants et à violer son bétail pour venger l’affront qui leur a été fait quelques siècles auparavant. Unis derrière Azgrak, leur Wargor albinos, les bêtes du Chaos, après avoir fait un sort aux villages alentours, bien aidés dans leur entreprise de nettoyage ethnique par l’attentisme des soldats d’Helmstrumburg (c’est dangereux de quitter l’enceinte de la ville, c’est vrai) assiègent la cité. Il faudra tout le courage et la détermination de Sigmund et de ses hommes (ainsi qu’un petit coup de pouce du destin) pour permettre à l’Empire de prévaloir en cette heure sombre.

Si ce scénario n’est pas vraiment original, il est constitue une trame suffisamment robuste pour permettre à un (ou des) auteur(s) digne(s) de ce nom d’écrire une histoire divertissante. Pour peu que le fluff soit bien traité, le style élégant, la personnalité des personnages un brin fouillée et qu’un minimum d’attention soit apporté aux détails, on peut même avoir de très bonnes surprises. Malheureusement pour lui (eux?), Justin Hunter score misérablement dans toutes ces sous-catégories, pour un résultat final assez misérable. Cerise sur le gâteau, l’absence de travail d’édition sur son manuscrit, tâche de la responsabilité de la BL, constitue le dernier clou du cercueil de la Ragged Company.

Le Style

À la première lecture, assez distraite, rien ne m’avait particulièrement choqué dans la prose du sieur Hunter. Le style BL a beau avoir bien des défauts lorsqu’on en abuse, l’un de ses points forts est indéniablement sa grande clarté, particulièrement pour des lecteurs pour qui l’anglais n’est pas la langue maternelle. Qu’on le qualifie de direct et d’efficace (si on est de bonne humeur) ou de minimaliste et de simpliste (si on ne l’est pas), il a en tout cas les qualités de ses défauts: même après une semaine sans dormir et trois bouteilles de vodka, on peut lire un roman de la BL sans trop de difficulté. Le plus dur est en fait d’assimiler le lexique de base propre à l’heroïc-fantasy/science-fiction pur jus et sans complexe que constitue le gros de la production littéraire de la filiale de GW (trancher, découper, décapiter, démembrer, éventrer, ébouillanter, écorcher… et autres joyeusetés). Passé ce stade, vous êtes parés à la lecture de 95% des ouvrages de la BL, la plupart des 5% restant étant constitué des livres d’Abnett, qui non content d’utiliser des mots exotiques, se paie en général le luxe d’en inventer une demi-douzaine dans chacun de ses romans (j’ai été déçu de constater que « feth » n’a pas encore été repris dans le Robert & Collins).

À la deuxième lecture cependant1, j’ai pu constaté que la prévenance de Hunter envers ses lecteurs les plus déficients/torchés/fraîchement lobotomisés allait en fait bien au delà du niveau standard. Non seulement il écrit de manière très simple, mais il manie la répétition avec une maîtrise stupéfiante: impossible de rater les mots les plus importants de ses phrases, car ils sont en général utilisés trois ou quatre fois à la suite en autant de lignes. Morceaux choisis:

   The apothecary lifted his case onto the bed next to Elias’s and took out a copper mixing bowl. In it he mixed red Tilean wine vinegar, mixed with salt, and used the mixture to clean out the wound.
   Edmunt fitted the end of the banner pole into his waist belt, felt the belt take the weight, then with his right hand unhitched the hatchet from his belt.

Autre lacune majeure de Hunter en matière de style, ce dernier se révèle incapable de singulariser la véritable ménagerie de personnages qui lui servent de héros, Sigmund mis à part. Le lecteur se retrouve donc confronté à une quinzaine de noms qu’il a bien du mal à lier avec une personnalité précise. Faut-il y voir l’influence de Gaunt et de sa ribambelle de fantômes, qu’Abnett avait, lui, réussi à individualiser de manière assez convaincante? Sans doute. On peut également avancer la théorie de l’écrivain/hobbyiste, qui avant de bosser pour la BL, avait rédigé des pages et des pages de fluff au sujet de sa propre armée, et baptisé la plupart de ses figurines, reconverties en personnages de son roman… Quelles qu’en soit les raisons, le parti pris de la multitude adopté par Hunter ne se révèle pas gagnant. Avant de les oublier pour toujours, il convient toutefois de passer cette joyeuse en bande en revue (voir plus bas).

Enfin, le dernier reproche, mais non le moindre, que l’on peut faire à la technique narrative de Hunter est le côté abrupt qu’elle revêt sur la fin de son récit, où l’auteur gratifie le lecteur abasourdi d’une ultime pirouette carrément psychédélique. On a souvent reproché, avec raison, aux romans de la BL leur conclusion bâclée en cinquante pages alors que le double aurait été souhaitable pour permettre au récit de « respirer » un peu. Avec Forged In Battle, cette tendance atteint un niveau inédit et à mon avis insurpassable. Si l’expression consacrée veut que l’on saute du coq à l’âne, dans le cas présent, il paraît plus juste de parler d’une téléportation de l’amibe au brontosaure. Le seul parallèle comparable qui me vient à l’esprit pour l’univers de 40K serait d’imaginer que Sangoku et les tortues ninjas se soit téléportés sur la barge d’Horus pour lui mettre la misère au moment ou ce dernier s’apprêtait à euthanasier Pépé. Le pire est que Hunter a le culot de faire comme si la matérialisation miraculeuse de renforts qu’il n’a ne serait-ce qu’évoqués une seule fois au cours des quelques 240 pages précédentes était tout à fait naturelle (et c’est pour celà que je pense que la Ragged Company a du figurer dans au moins une nouvelle avant de se voir dédier un roman entier, l’auteur mentionnant une précédente bataille au cours de laquelle les gars de Helmstrumburg avaient déjà été sauvés par l’intervention du maréchal von Bidule, qui arrive encore une fois juste au bon moment). Mais WTF quoi.

1: C’est fou comme le simple fait d’avoir un surligneur à portée de main quand on lit un bouquin aiguise la concentration. Aucune bourde, incohérence, ou incongruité ne passe à la trappe. Pour certains livres de la BL, ça peut coûter cher en surligneur.

Les Personages

Comme dit plus haut, Hunter est assez généreux de ce côté, puisqu’il convoque une flopée de reitres (dont la principale qualité semble être l’interchangeabilité) pour défendre Helmstrumburg contre les hommes-bêtes en maraude. Ces derniers sont dotés d’un nombre beaucoup plus restreints de personnages nommés, auxquels viennent s’ajouter les quelques traîtres de rigueur (il faut vraiment avoir la foi dans les Dieux du Chaos pour trahir ses congénères au profit d’une bande de mutants analphabètes, hyper-violents et couverts de puces).

Sigmund Jorg(e)1:Faute de mieux, Sigmund est ce qui se rapproche le plus du héros du roman. Outre son amour pour les randonnées en forêt et la course à pied, il a également un goût prononcé pour les plans foireux. Capitaine de la Ragged Company (un an seulement après s’être engagé, ça sent la promotion canapé), il descend d’une longue lignée de tueurs d’hommes-bêtes, ses lointains ancêtres (Ortulf et Vranulf) ayant combattu aux côtés de Johann Helstrumm himself pour débarrasser la région de la souillure du K-O. Il entretient une relation compliquée avec son père Andres, ancien Joueur d’Épée reconverti en meunier après avoir perdu une jambe au combat, et fortement porté sur la bouteille. Prenant son rôle de protecteur très à cœur, il n’arrête littéralement pas de courir du début à la fin du roman et finit ce dernier sur les rotules. Son indubitable bonne volonté et ses quelques talents de guerrier ne pèseront malheureusement pas bien lourd face aux mystères de la psyché homme-bête, qui apparemment ne se battent jamais aussi bien qu’une fois leurs chefs tués et leurs pierres des hardes abattues. Allez comprendre.

Edmunt: Si la tradition veut que tout groupe de héros évoluant dans un univers med-fan se doit de compter dans ses rangs une brute épaisse, alors Edmunt est le membre de la Ragged Company qui remplit ce rôle. Abatteur de bétail professionnel, il déteste les hommes-bêtes avec une passion brûlante qui se traduit plus en coups de boule et équarrissages sauvages qu’en sonnets en alexandrins (tant mieux pour nous). Accessoirement porte-étendard de la Ragged Compagny, Edmunt n’a qu’une seule vraie amie, sa hachette, affublée du charmant sobriquet de Butcher.

Elias: Après le leader charismatique et le tueur psychopathe, voici un nouvel élément incontournable de toute bande qui se respecte, à savoir la bleusaille confrontée aux horreurs de la guerre. S’il joue son rôle de jeune recrue s’endurcissant progressivement au contact des durs à cuire de la Ragged Company (on ne saura jamais si le bizutage de rigueur inclut aussi une bouteille en plastique outre en peau de chèvre) avec application, il ne faut pas lui demander d’en faire beaucoup plus. On devine toutefois que Hunter avait des grands projets pour ce personnage, dont la survie est tellement importante (pour des raisons non explicitées par l’auteur… encore une histoire de destinée à tous les coups) que le mystérieux Theodor n’hésite pas à utiliser l’espèce de poudre de perlimpinpin qu’il a en sa possession pour le sauver après qu’il ait été infecté par une lame homme-bête, généreuse attention dont Elias sera le seul à bénéficier (alors que les candidats à la guérison miraculeuse sont généralement assez nombreux dans une ville assiégée).

Osric et Gunter: Les choses commencent à se compliquer à ce niveau, les distinctions entre troupiers devenant de plus en plus floues. Osric et Gunter, en tant que sous-officiers de la Ragged Company et bras droits de Sigmund, ne sont pas encore trop mal lotis, même si Hunter ne prend pas vraiment le temps de développer leur personnalité. L’un d’eux se fera ainsi tailler en pièces au cours du récit dans la plus totale indifférence, l’auteur lui réglant son affaire en une demi-ligne (une brutalité somme toute assez rafraichissante quand on la compare au mal de chien qu’à Abnett à se débarrasser de ses personnages).

Niveau traits particuliers, Osric est la grande gueule caustique du lot tandis que Gunter est… heu… vieux. Oui, c’est tout (et, par rapport au troupier moyen, c’est déjà pas mal). Encore une fois, difficile de ne pas faire la relation avec les Fantômes de Gaunt, et leurs chefs de pelotons haut en couleur (Corbec, Rawne, Mkoll, Kolea, Daur, Meryn, Domor…) que Hunter a sans doute tenter d’adapter à la sauce Fantasy, avec des résultats peu concluants.

Les troupiers: Cette vaste catégorie englobe à la fois les hallebardiers de la Ragged Company et les soldats des autres unités défendant Helmstrmmburg. Difficile de s’y retrouver dans cette masse de personnalités à peine ébauchées, qui pour le malheur du lecteur, se révèleront de plus pratiquement immunisés aux attentions des hommes-bêtes (comprendre que presque personne ne meurt au cours du roman, ce qui est pourtant la fonction première du troupier de base dans ce genre de récit). Dans le désordre, citons ainsi Gaston (le beau gosse à moustache de la bande… j’ai du mal à me l’imaginer autrement que sous les traits de Sultan Rahi), Baltzer (le tambour geignard à tendance kleptomane), Freidel (très impressionnable et superstitieux) et Petr (qui aura le privilège d’être la première perte de la Ragged Company). Il y a aussi Schwartz, mais son cas est particulier, j’y reviendrai.

En plus de cette petite troupe, Hunter nous confronte à Roderick (le chef suffisant-mais-avec-un-bon-fond-tout-de-même de la milice locale), Vostig et Holmar (deux des arquebusiers attachés en détachement à la Ragged Company) et Hanz (sergent du régiment de lanciers invoqué par l’auteur – puisque personne à Helmstrmmburg ne se souvient d’avoir demandé de l’aide).

S’y retrouver parmi cette multitude n’est pas chose facile pour le lecteur, qui serait de toute façon bien inspiré de laisser tomber, aucun de ces sous-fifres ne jouant un rôle d’une importance capitale dans le dénouement de l’intrigue. La seule récompense des plus persévérants sera de constater que Hunter lui-même (ou eux-mêmes) échoue à faire la distinction entre ses personnages, au point de faire revenir à la vie Schwartz, hallebardier malheureux qui aura l’honneur douteux de mourir deux fois avant la fin du roman (la première après une longue agonie suite à une blessure au ventre, sur le chemin du retour vers Helmstrumburg, la seconde des mains du Wargor homme-bête). Alors, énorme bévue rendu permise par la précipitation de Hunter et le je-m’en-foutisme des éditeurs, ou manque de coordination entre plusieurs auteurs? On ne sera probablement jamais, reste cette magnifique boulette léguée par la BL à la postérité.

Theodor et Eugen: Secourus par Sigmund et ses hommes au début du roman, ces deux marchands, comme ils se présentent eux-mêmes, sont en fait la tentative de Hunter d’inclure des sous-intrigues à son récit principal, chacun de deux larrons ayant son propre agenda secret (c’est fou le nombre de « marchands » qui n’en sont en fait pas dans les romans de la BL… le pire est que ça marche quasiment à chaque fois). Alors bien sûr, c’est toujours bien d’avoir un traître et un agent double dans son scénario, mais encore faut-il prendre le temps de faire comprendre aux lecteurs le danger qu’ils représentent pour le camp des gentils. Ici, on peut affirmer sans trop caricaturer que la menace posée par Eugen pour le salut de Helmstrummburg est assez négligeable, le pauvre se faisant manœuvrer d’un bout à l’autre du roman par son compère, sans se douter un instant que Theodor joue dans le camp d’en face (c’est dommage, il avait du potentiel et des « dents brillantes de malice » (sic), ce qui n’est pas donné à n’importe qui, vous en conviendrez). Theodor, quant à lui, outre ses pouvoirs de thaumaturge (intermittents), semble faire partie d’une des nombreuses confréries luttant pour le triomphe du bien suprême et autres bêtises dégoulinantes de bons sentiments. Un tel altruisme appelant inévitablement une fin violente et prématurée dans le monde ingrat de Warhammer, on ne sera guère surpris d’apprendre qu’il ne finit pas le roman en un seul morceau. On notera enfin que malgré toute son érudition, Theodor n’est pas le dernier à dire des conneries:

   « Those that they could not buy through money or terror they have bought with gold »
   Theodor, au milieu de sa tirade sur la menace représentée par les cultistes du Chaos.

Le Burgomeister de Helmstrumburg: Personnage ambigu que ce burgomeister, que l’on devine être un cultiste dès sa première intervention, sans que l’on comprenne bien où est son intérêt à trahir ses administrés. Hunter le décrit en effet comme un gouverneur compétent et efficace, au moins dans tout ce qui touche au commerce, et précise clairement que Helmstrumburg s’est considérablement développé pendant son/ses mandat(s). S’il reste bien évidemment sourd aux avertissements de Sigmund quant à l’imminence d’une attaque des hommes-bêtes, il ne facilite pas franchement le succès de ces derniers, puisqu’il accepte sans sourciller d’accueillir une compagnie de lanciers dans l’enceinte de sa cité quelques jours avant le début du siège. Il finira par s’échapper de la ville sur sa barge personnelle, pour se rendre à un rendez-vous mystérieux, très probablement avec les hommes-bêtes (au lieu de descendre tranquillement le Stir jusqu’à Altdorf?). On n’en saura pas plus, Hunter oubliant de préciser l’ultime destin du félon, qui doit encore attendre ses associés à l’heure actuelle2.

Les personnages hommes-bêtes: Même s’ils sont les grands méchants de l’histoire, les hommes-bêtes n’occupent pas vraiment le devant de la scène dans Forged in Battle. Bien que Hunter nomme quelques uns de leurs leaders (Azrak l’albinos, le Wargor en chef, « Red Killer » le Khorngor, Brazak le Pestigor), aucuns de ces derniers ne s’illustrera particulièrement durant le siège d’Helmstrumburg. Azrak ne mettra même jamais le sabot dans l’enceinte de la ville, préférant zoner autour des pierres des hardes pendant que ses guerriers attaquent la cité. Un style de commandement un peu surprenant de la part d’un Seigneur des Bêtes, et qui scellera son sort lorsque Sigmund et ses potes lui tomberont dessus au cours de leur mission « dynamitage ».

1: Oui, l’orthographe change entre le début et la fin du livre. Et dites vous bien que Sigmund est le héros de l’histoire.

2:L’épilogue du livre nous apprend qu’Eugen a dérivé sur le Stir jusqu’à Altdorf (ce qui fait une sacrée distance), et convainc la vieille femme qui le trouve échoué sur le rivage de le soigner. Or, il s’est fait tuer (ou au moins très grièvement blessé) par Theodor pendant le siège: une balle dans le bras et une autre dans l’aine (artère fémorale explosée). Je serai d’avis que Hunter s’est encore une fois emmêlé les pinceaux et que c’est le burgomeister qui se retrouve à Altdorf à la fin du roman… même si on ne sait pas pourquoi il a préféré faire le chemin à la nage plutôt que sur sa barge.

Le Fluff

Après un début assez prometteur de ce côté, puisque Hunter a la bonne idée de convoquer Johan Helmstrum (c’est Helstrum dans le fluff officiel, mais bon, on n’est pas à ça près) dans son prologue, et de nommer le marteau de ce dernier (qui s’appelle donc soit « Foe-crusher », soit « Foe-smiter » d’une page à l’autre…), le reste du récit est assez pauvre en informations dignes d’être relevées par les fondus de background. Le fait que l’intrigue se déroule à Helmstrumburg, bourgade créée de toute pièce par l’auteur, n’est évidemment pas étranger à cette absence de détails notables. Certes, le lecteur qui finit Forged in Battle connaîtra sur le bout des doigts toutes les rues de la cité, mais bon, osef. Côté homme-bête, ce n’est pas non plus la joie: tout juste apprendra-t-on qu’une méthode efficace pour estimer la taille d’un individu est de se baser sur le volume de ses déjections. Mouais. Ah, et les hommes-bêtes savent prendre le temps de bien faire les choses quand il s’agit de rituel sacrificiel: il faudra près de 6h30 à ceux de Helmstrumburg pour décapiter 50 prisonniers (soit presque huit minutes par tête de pipe…).

À la décharge de Hunter, je dois reconnaître que sa description de la synergie entre les différents éléments d’une ligne de bataille impériale (hallebardiers et arquebusiers dans son cas) est assez convaincante. Dommage que la plupart des accrochages entre soldats impériaux et hommes-bêtes aient été traité au niveau de l’individu plutôt que de celui du régiment (avec autant de personnages à « faire vivre », c’était sans doute inévitable). Enfin, on peut regretter que l’auteur ne se soit pas plus renseigné avant et pendant l’écriture du roman, cela lui aurait peut-être permis d’éviter de commettre des bourdes (placer les archives de la ville dans une cave « aux murs luisant d’humidité »… super pour la conservation des bouquins) et des exagérations (un canon a pivot qui annihile une centaine (sic) de gors en un seul tir) assez impardonnables.

Mon avis (que je partage):

J’avais dit précédemment que Curse of the Necrach était le pire roman de la BL. J’avais tort. Forged in Battle détrône aisément le livre de Steven Savile (je suis sûr que ça lui fera plaisir) de la première marche du podium, et place la barre très haute, ou très basse, pour les futurs challengers. Il n’y a que très peu à sauver de ce bouquin, qui pourrait à la limite se reconvertir en manuel des choses à ne pas faire pour tous les auteurs de med-fan en devenir. Si Justin Hunter porte bien sûr la plus grande part de responsabilité dans ce naufrage total, la BL est également en partie coupable de ce désastre: un travail de relecture et d’édition digne de ce nom aurait certainement permis à Forged in Battle d’être simplement passable au lieu de très mauvais. À ce titre, choisir de republier cette bouse sous format e-book est un choix assez discutable (et n’allez pas me dire que c’est pour accompagner la sortie du nouveau livre d’armée impérial: les romans de la BL traitant de l’Empire, ce n’est pas ce qui manque, et tous sont bien meilleurs que Forged in Battle).

Rendons toutefois hommage à ce qui aurait pu être le premier tome d’une série à succès, si le destin n’en avait pas décidé autrement. Les soldats de la Ragged Company ne seront jamais les Ghosts du monde de Warhammer, mais ils ne font pas moins partie de la cosmologie de GW au même titre que ces derniers. Alors, comme dirait l’autre: Gloria victis!