Brunner, Bounty Hunter
Avant-Propos
Et voila la Schattra touche , merci a lui.
Vous pouvez le retrouver ici : https://nebelheim.wordpress.com/
Ou ici : https://www.warhammer-forum.com/index.php?/profile/27242-schattra/
Intro
Tout d’abord, je précise que j’ai acheté cet omnibus sans rien en connaître a priori. Il se trouve que je cherchais un nouveau bouquin pour faire passer le temps dans le Transilien, et que la nouvelle distribution des romans de la BL dans les GW m’a donné l’opportunité de renouveler mon stock sans passer commande (ça fait toujours les frais de port d’économisés). Vu le peu de choix disponible, et les recommandations évasives du staff (« Oui, je l’ai lu, c’est vraiment bien! » -fin de la chronique littéraire-), c’est finalement Brunner qui a eu l’insigne d’honneur de quitter sa tête de gondole pour se retrouver trimballé en tout sens dans mon sac (c’est un livre qui a fait des kilomètres!^^). Il faut dire que la couverture était assez sympa, dans le look roxor/badass.
Intrigue
SPOILER Bref, Brunner (il a peut-être un prénom, mais comme ce n’est pas Gertrude, ça ne m’a pas marqué) est un chasseur de primes. Et pas n’importe lequel! C’est le cador des cadors, le boss, le taulier, le patron, l’artiste, Dieu le Père. C’est simple, dans le milieu on l’appelle SPOILER Brunner, vu que c’est son nom.FIN SPOILER
D’un âge indéterminé, d’une origine sociale probablement-noble-mais-on-peut-pas-vraiment-dire, venant tout droit de son Reikland natal, Brunner est l’arme fatale et le 5ème élément réunis, bien condensés et généreusement upgradés. Il ne lâche jamais prise (mouais… on verra pourquoi plus tard), remplit toujours son contrat (mouais… aussi) et réussit toujours à se sortir des situations les plus alambiquées (ça par contre, c’est vrai, mais ce n’est pas trop une surprise, non?). Brigands, nobles renégats, skavens, peaux-vertes, hommes-bêtes, morts-vivants, dragons même, il les a tous combattu et vaincu au cours de sa longue carrière de 7 ans (autant dire que les 35 heures, ça le fait bien rigoler). Bref, Brunner, faut pas venir lui baver sur les rouleaux si on tient à garder un squeele intégral.
Autant dire que se coltiner les quelques 700 pages d’aventure de ce joyeux drille dopé aux hormones ne s’annonçait pas comme une partie de plaisir. C’est du moins ce que je me suis dit après avoir fini de lire la première nouvelle du bouquin. Mais Brunner dispose de circonstances atténuantes qui empêchent le lecteur d’utiliser le bouquin pour caler l’armoire normande de Grande-Tante Mauricette, et tout d’abord…
Le Style
Un des points forts de C.L. Werner, à n’en pas douter. Mes souvenirs de la trilogie des Mathias Thulman étant très flous, mais plutôt positifs, au moment où j’ai commencé la lecture des aventures de son « grand frère » (les aventures de Brunner ayant été écrites de 2002 à 2004, alors que le cycle de Thulman ne date que de la période 2006-2008), je n’ai pu que constater qu’effectivement, Werner sait mener sa barque. Les descriptions sont juste assez fouillées pour mettre en marche l’imagination du lecteur, sans l’assommer sous une tonne de détails superflus, l’action se déroule de manière fluide, grâce à l’utilisation judicieuse (bien que parfois déroutante) d’ellipses temporelles, et les combats, bien que souvent répétitifs (Brunner se balade avec un arsenal impressionnant qu’il utilise toujours dans le même ordre; c’est logique pour un tueur entraîné comme lui, mais au bout de trois cent pages, ça devient pesant), ont le bon goût de ne pas s’étaler en longueur, donnant au récit un caractère réaliste (le « match nul » à la Dragon Ball Z n’a pas cours ici: soit on poutre rapidement, soit on se fait poutrer rapidement). Même les boss de fin sont expédiés en quelques lignes, ce qui change agréablement des combats s’éternisant sur des pages et des pages. Brunner n’est pas le genre de type à se battre à la loyale, et il se saisira tous les avantages à sa portée, même (surtout) déloyaux. Je trouve ça plutôt sympa. Encore mieux, Brunner est un être implacablement rationnel, qui n’hésitera pas à abandonner sa quête s’il réalise que la récompense offerte pour l’accomplissement de cette dernière ne couvre pas les risques encourus.
Au début, ça surprend de voir le « héros » faire demi-tour juste au moment où Gotrek commencerait à trouver ça intéressant, mais Gotrek est un bouffon suicidaire ridiculement puissant, alors que Brunner est un mec qui a des projets de retraite, et compte bien finir ses jours dans son petit coin de paradis privé (sauf qu’à part trouver un HLM à Lothern, je ne vois pas où il pourrait réaliser son rêve dans le monde de Warhammer). Et avec les millions de couronnes d’or qu’il a collecté à la fin de l’omnibus, il devrait pouvoir se la payer, sa bicoque dans l’arrière pays d’Altdorf (je plains les voisins).
Tout cela rend les aventures du Lee van Cleef du Vieux Monde plaisantes à lire, de mon point de vue tout du moins. « Where Walks the Madragg » constitue ainsi la meilleure longue nouvelle se déroulant le monde que j’ai lu jusque là, dans laquelle Werner atteint le sommet de son art et se place à des années lumières des œuvres poussives de la concurrence (et j’en ai eu mon lot, Steven Savile, c’est à toi que je pense).
Les Personnages
Un autre aspect attrayant de l’écriture de C.L. Werner est son attachement à tous les personnages nés sous sa plume, se traduisant notamment par la réapparition régulière de certains noms connus d’histoire en histoire. Et loin de ne constituer que des clins d’œil aux lecteurs les plus attentifs, ces revenants joueront toujours un rôle important dans l’intrigue de la nouvelle qui les a vu revenir sur le devant de la scène (alors que chez Abnett, pour ne citer que lui, ces types de résurgence sont plutôt rares – si on exclue les évènements dépeints dans His Last Command ) Pour ceux d’entre vous ayant lu la série des Mathias Thulman, un personnage central fera même une apparition remarquée le temps d’une traque… sépulcrale.
Brunner: Le héros. Croisement entre Clint Eastwood période trilogie des dollars et une armurerie ambulante, qualifier ce personnage de cliché serait encore lui faire honneur. Brunner agira toujours comme on pourrait s’y attendre, avec la désinvolture, le cynisme et la brutale efficacité qu’on lui devine dès le premier regard porté à la couverture. On peut regretter ce manque d’originalité, mais force est de constater que Werner ne nous trompe pas sur la marchandise: Brunner est un chasseur de primes renommé, point à la ligne. Je préfère ça au héros à la Eragon, qui sort de nulle part et devient en deux temps trois mouvements une machine à tuer imbattable, tout ça pour une douteuse histoire de « destinée »… Notre garnement a de plus le bon goût de ne pas se ramollir trop vite (syndrome Gaunt), et même s’il finit de ce point de vue très mal la première nouvelle , il se ressaisit ensuite rapidement, et agira la plupart du temps comme l’enflure motivée seulement par l’appât du gain qu’il est. Brunner ne peut que vous surprendre en bien, tenez-le vous en pour dit!
Ehrhard Stoecker: Si Brunner est le héros, Ehrhard est son side-kick. Pas comique, notez, car Werner, comme tous les bons auteurs, n’a pas besoin de recourir à un personnage de bouffon pour détendre l’atmosphère de temps en temps. Ehrhard est, officiellement, l’auteur des livres relatant les exploits de Brunner dans le monde de Warhammer. Il est lui aussi une caricature, celle de l’érudit froussard et idéaliste. Les premières nouvelles commencent toujours par une sorte de « prologue », dans laquelle Ehrhard raconte comment il est tombé, « par hasard » sur Brunner alors que ce dernier prenait du bon temps dans une taverne après avoir fini une mission, mission qu’il lui raconte évidemment aussi sec. Oui, je sais, pour un tueur taciturne et misanthrope, ça fait pas très crédible de vider son sac aussi facilement auprès du premier scribouillard efféminé venu (ou peut-être qu’il est amoureux, je ne sais pas). Heureusement, l’auteur semble s’être rendu compte de l’inutilité flagrante de Stoecker, et après avoir fait participé ce dernier à l’action, il fait disparaître cette irritante tarlouse. Bon débarras.
Le juge Vaulkberg: Le principal employeur de Brunner, auquel ce dernier remet une bonne partie de ses prises (au moins dans les premières histoires, la fin de l’omnibus le voit également disparaître). Caractériel et peu enclin à la clémence, on entend souvent parler de lui, mais on ne le voit à l’action qu’une seule fois.
Le vicomte de Chegney: Enfin un personnage un peu surprenant! Le vicomte est un noble bretonnien dont les terres sont frontalières avec l’Empire. Loin d’être le parangon des vertus chevaleresques que l’on pourrait attendre, de Chegney est le fruit des relations illégitimes entre Machiavel et un gobelin. Toujours à fomenter un nouveau tour pendable pour agrandir son domaine, on le retrouve à plusieurs occasions, le plus souvent en tant qu’ennemi de Brunner, qu’il embauche cependant dans la première nouvelle.
Elisia: Soeur de Shallya itinérante (suppression de poste, compétitivité, flexibilité… toussa toussa), que l’attitude amorale de Brunner ne manquera évidemment pas de choquer. Apparaît dans deux nouvelles.
Pulstlitz: Champion de Nurgle en vacances en Tilée. Le zozotement dont il est affligé le fait passer du statut d’ennemi implacable et menaçant à celui de running gag. Apparaît dans deux nouvelles.
Le fluff
Le travail de Brunner l’amenant à se balader un peu partout, l’auteur en profite pour explorer les zones grises du monde de Warhammer (c’est à dire les endroits dont nous connaissons tous le nom, mais pas grand chose d’autre). La Bretonnie et la Tilée sont particulièrement bien traitées de ce point de vue, Brunner les traversant en long, en large et en travers à la poursuite de ses proies.
Si vous vous êtes toujours demandés à quoi ressemblait le quartier marchand de Remas, la périphérie abandonnée de Mirigliano, les docks de Moussillon ou encore les gêoles de Parravon, Brunner vous servira obligeamment de guide. Les Principautés Frontalières, les souterrains nains courant sous la Voûte et les égouts d’Altdorf sont également visités, ainsi qu’une ribambelle de villages insignifiants que le chasseur de primes soulage souvent de quelques habitants (ou plutôt des têtes de ces derniers). Et pour le plus grand bonheur des ayatollahs du vieux fluff (ou leur malheur, car bougonner sur le non-respect des textes originels leur fait plus plaisir qu’autre chose), Werner a révisé ses classiques avant de pondre ses histoires, et respecte scrupuleusement les détails pré-établis du background, pratique que certains de ses comparses de la BL n’ont malheureusement pas intégré (lisez Star of Erengrad pour en être convaincus).
Si on laisse de côté l’aspect géographique, Werner se penche sur tout un tas de sujets qui intéresseront le fluffiste acharné qui sommeille en chacun de nous. Les relations entre Bretonnie et Empire, la vie d’un sorcier impérial renégat, les cultes de Shallya et de Solkan (très marrant), le sort des mutants dans les contrées dites « civilisées », la justice impériale, l’organisation d’une tribu de gobelins de la nuit… sont autant de thèmes abordés au cours des pérégrinations de Brunner. Évidemment, il est très compliqué de vérifier la compatibilité de tous les éléments exposés par Werner avec les canons du background, mais le sérieux et la cohérence dont l’auteur fait preuve par rapport aux détails vérifiables incitent fortement à lui faire confiance.
Le format
Contrairement à la série précédente de Werner, Brunner, Bounty Hunter n’est pas une trilogie. Personnage à l’origine développé dans les pages de la revue Inferno!, les premières aventures de Brunner sont exposées dans de courtes nouvelles (moins de 50 pages), qui vont ensuite croissant en longueur et en complexité (« The Black Prince », « Where Walks the Madragg »), jusqu’au véritable roman qui clôt l’omnibus (« Blood of the Dragon »). Ce format inhabituel, un peu à la Gotrek et Felix, permet de s’habituer petit à petit au personnage et à ses méthodes, au fil de missions de plus en plus « subtiles » (les premières nouvelles tenant plus du: « problème/paiement/massacre », schéma narratif à la brutalité rafraichissante… à petites doses). Cela ne veut pas dire que Brunner se met à l’espionnage et au macramé, mais que la partie « recherche du gibier » se développe d’histoire en histoire. « Where Walks the Madragg » (oui, j’ai bien aimé cette nouvelle!) se double ainsi d’une mini enquête policière, qui, si elle ne vole pas bien haut, est moins cousue de fil blanc que beaucoup des intrigues de la BI que j’ai pu lire (« Non, je ne peux pas croire que cette magnifique duchesse ne sortant que la nuit était une Lahmiane! »).
Mon avis (que je partage):
La saga des Brunner constitue donc une série de bonne qualité, volontairement basée sur les aspects les plus brutaux et directs du med-fan (seek & destroy). On aime ou pas, mais Werner a le talent nécessaire pour transformer la trame battue et rebattue de l’anti-héros solitaire et immoral en quelque chose de plaisant à lire. Cette lecture ne révolutionnera pas votre vie, mais se place aisément deux têtes au dessus du gros de la concurrence, et confirme définitivement C.L. Werner comme une valeur sûre de la BL.